Monsieur Philippe Sauvannet nous parle de Jean d’Ormesson 

Littérature : Philippe Sauvannet nous parle de ses goûts littéraires

Qui ne connaît pas Jean d’Ormesson, de son nom complet Jean Lefèvre d’Ormesson ? Écrivain, journaliste, philosophe, érudit… au cours de sa vie, l’homme a multiplié les casquettes. Pour Philippe Sauvannet, l’académicien français a pleinement joué son rôle d’intellectuel engagé mais toujours avec élégance et une délicieuse courtoisie. Né le 16 juin 1925, Jean d’Ormesson nous a quitté le 5 décembre 2017. Retour sur sa vie et son parcours.

Une brève histoire de Jean d’Ormesson

Jean d’Ormesson est membre de l’une des rares familles restantes de la noblesse française, Lefèvre d’Ormesson. Son père, ambassadeur du Front populaire, était l’ami d’une autre figure connue de la scène politique française, Léon Blum. Par sa mère, Jean Lefèvre d’Ormesson est issu de la famille Lepeletier de Saint-Fargeau. C’est ainsi qu’il se voit dispenser une éducation privilégiée, notamment à l’Ecole normale supérieure, toujours dans le respect des valeurs traditionnelles auxquelles sa famille tient tant.

 

Ce n’est pas pour autant qu’il en devient « traditionnaliste ». Ce qui plaît particulièrement à Philippe Sauvannet, c’est le fait que Jean d’Ormesson a tôt appris à évoluer dans un cadre libéral. La preuve ? Le jeune homme était un brillant élève. A son crédit, un parcours académique exceptionnel au cours duquel il accumulera les diplômes (normalien, agrégé et diplômé d’études supérieures de philosophie…), mais il “évitera” Sciences-Po. L’érudit le plus connu de France ne s’arrêtera pas en si bon chemin… A partir de 1950, il entame une non moins brillante carrière en tant que haut fonctionnaire, devenant d’abord secrétaire général du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines à l’UNESCO, avant d’en devenir président en 1992. Dès 1956, le comte d’Ormesson prend sa plume et s’essaie à l’écriture, et publie un premier livre, « L’Amour est un plaisir ». Puis un deuxième, en 1959, « Du côté de chez Jean ».

Selon Philippe Sauvannet, la carrière littéraire de Jean d’Ormesson ne prendra véritablement son envol vers le succès qu’à partir de 1971, année à laquelle il publie son livre phare « La Gloire de l’Empire », qui lui vaudra le Grand prix du roman de l’Académie française. Entre 1974 et 1977, Jean Le Fèvre d’Ormesson prend la direction du journal Le Figaro, mais cela ne ralentit pas pour autant sa production littéraire, ni son élan intellectuel. L’homme est porteur d’une vision globale du monde, un monde qu’il veut « traditionnellement moderne », ce qui souligne bien le caractère volontiers paradoxal du personnage. C’est ce qui le pousse à fonder, en 1978, le Comité des intellectuels pour l’Europe des libertés, en compagnie d’autres intellectuels engagés. C’est aussi ce qui le rend soucieux de transmettre son expérience et ses réflexions philosophiques à la nouvelle génération. Ce qu’il fait brillamment, d’après Philippe Sauvannet, dans deux ouvrages distincts : « Presque rien sur presque tout » en 1995 et « Le Rapport Gabriel » en 1999.

Jean d’Ormesson : le romancier, l’essayiste

Jean d’Ormesson compte de nombreux romans à son actif, mais aussi des essais et d’autres ouvrages à mi-chemin entre ces deux styles littéraires. Philippe Sauvannet apprécie particulièrement le fait que les romans de « Jean d’O », comme les médias aiment à l’appeler, sortent souvent du cadre conventionnel du genre romanesque. Mêlant intrigues impliquant plusieurs personnages et entrecoupés d’anecdotes personnelles, les romans de Jean d’Ormesson sont un savant mélange d’érudition et d’humour. Souvent, les ouvrages de l’auteur font office de traité de vie. C’est notamment le cas de « La Gloire de l’Empire », « Histoire du juif errant », « Presque rien sur presque tout »…

Le point commun des romans de Jean d’Ormesson ? Leur dimension autobiographique, particulièrement présente dans « Du côté de chez Jean », « Le Rapport Gabriel », « Au revoir et merci » et « C’était bien ». Vers la fin de sa vie, l’écrivain prend une tournure un peu plus mélancolique, comme ce fut le cas dans « Une fête en larmes », où il prend du recul pour parler de sa vie. Paru en 2005, « Une fête en larmes » était une tentative d’originalité, l’auteur se mettant au centre du récit, et racontant à un journaliste son roman idéal. Boulimique d’écriture, il publie, à peine une année plus tard, « La Création du monde », un roman où il se laisse aller à un nouveau genre. En 2007, il publie un autre roman, « Odeur du temps », cette fois aux éditions Héloïse d’Ormesson, la maison d’édition dirigée par sa fille. 2009 sera une année particulièrement productive pour Jean d’Ormesson, l’écrivain publiant, coup sur coup, « L’Enfant qui attendait un train » et « Saveur du temps ».

Jean d’Ormesson s’essaye aussi au cinéma, jouant le rôle du Président de la République dans « Les saveurs du palais », film réalisé par Christophe Vincent en 2012. Malgré une longue bataille avec un cancer de la vessie, qui durera 8 mois en 2013, Jean d’Ormesson publiera quand même un autre roman en 2014, « Comme un chant d’espérance ». D’après Philippe Sauvannet, la reconnaissance ultime de la carrière littéraire de Jean d’Ormesson aura lieu entre 2015 et 2018, années auxquelles deux tomes d’œuvres choisies de l’auteur seront édités dans la collection de la bibliothèque de la Pléiade des éditions Gallimard, une collection prestigieuse dont peu d’auteurs peuvent se targuer. En effet y entrer de son vivant est un challenge de haut vol.

Une des figures les plus emblématiques de l’Académie française d’après Mr Sauvannet

Pour Philippe Sauvannet, Jean d’Ormesson était indéniablement l’une des figures les plus emblématiques de l’Académie française. L’institution n’était pas insensible à son charisme, à son érudition, à sa capacité à capter l’attention et à sa maîtrise de l’art de la conversation. C’est pour cela que, durant plus de 40 ans, il était considéré comme « l’ambassadeur médiatique » de l’Académie française, présent régulièrement dans nombre d’émissions littéraires à la télévision, mais aussi dans des émissions grand public. Un “bavard silencieux” comme on a aimé à le dépeindre, toujours paradoxal.

C’est en 1973, à 48 ans, que Jean d’Ormesson sera élu à la prestigieuse institution, succédant à Jules Romains au fauteuil 12. Philippe Sauvannet rappelle à ce propos que l’écrivain a été élu à l’Académie française un mois après le décès de Wladimir d’Ormesson le 15 septembre 1973, son oncle, titulaire du fauteuil 13 de l’Académie. Jean Lefèvre d’Ormesson sera reçu à l’Académie française par Thierry Maulnier le 6 juin 1974. L’intellectuel fera très vite sensation en faisant campagne pour l’admission de la première femme à l’Académie française. Il défend en effet la réception à l’institution de Marguerite Yourcenar, qui sera admise sous la coupole en 1980. Rebelote en 2003, année à laquelle il défend la candidature de Valéry Giscard d’Estaing, notamment par un discours de présentation.

A son entrée à l’Académie française, Jean d’Ormesson était le benjamin de la prestigieuse institution. A son décès, il en était le doyen d’élection. Au cours de sa longue et illustre carrière sous la coupole, Jean d’Ormesson jouera un rôle central dans l’institution. Il suffit de rappeler qu’il a activement participé à la réception de la première femme à l’Académie française. Une étoile a filé

 

Le décès de Jean d’Ormesson a suscité l’émoi du monde littéraire, mais aussi politique. Décédé à l’âge de 92 ans le 5 décembre 2017, sa disparition a fait réagir au plus haut sommet de l’Etat. Le jour-même, le Président de la République, Emmanuel Macron, twittait que Jean d’Ormesson « était le meilleur de l’esprit français, un mélange unique d’intelligence, d’élégance et de malice, un prince des lettres sachant ne jamais se prendre au sérieux. L’œil, le sourire, les mots de Jean d’Ormesson nous manquent déjà ». Malgré son appartenance à la droite, Jean d’Ormesson était aussi apprécié à gauche. Pour Philippe Sauvannet, c’est là la preuve du caractère conciliateur du bonhomme mais aussi de sa grandeur d’esprit. Plusieurs personnalités de la gauche se sont bousculées pour lui rendre hommage, notamment François Hollande. En dépit d’une déclaration précédente du philosophe (« François Hollande n’est pas un homme d’Etat »), l’ancien président français a salué « un grand écrivain », avant de poursuivre : « Il feignait d’en douter pour mieux relever le défi qu’il s’était lancé à lui-même, en découvrant les auteurs les plus illustres, ceux de la Pléiade où il fut fier d’être accueilli ». Rappelons que c’est le même François Hollande qui, en 2014, a remis la grand-croix de la Légion d’honneur à Jean d’Ormesson. 

Les hommages pleuvaient aussi dans la sphère littéraire, où Bernard Pivot, alors président de l’académie Goncourt, rappelle « l’homme de paradoxe » qu’était Jean d’Ormesson. Le président de l’académie Goncourt faisant référence à son appartenance à l’homme « de droite admiré par les gens de gauche ». Il faisait aussi allusion à Jean d’Ormesson, le conservateur qui a « révolutionné quelque chose », notamment grâce à sa campagne en faveur de la réception de la première femme à l’Académie française. Pour sa part, le philosophe Michel Serres a tenu à rappeler la brillance dans la conversation d’un homme qui « avait une certaine manière de la repartie ».

Une des oeuvres préférées de Mr Philippe Sauvannet

S’il est difficile, voire impossible et même incongru d’établir  une hiérarchisation de l’importance de ses ouvrages, ce qui tendrait d’ailleurs  à offenser les choix intimes de l’écrivain qui l’ont poussé à écrire tel roman ou telle nouvelle, Philippe Sauvannet reconnait avoir un petit faible pour l’un de ses derniers ouvrages, savoir, le “Guide des égarés”. Dans cet inventaire il passe en revue les thèmes qui finalement , tous, concourent au destin de chaque être humain et au mystère de la mort, avec cette lancinante question : que se cache t-il derrière le masque de la Grande Faucheuse ?

Qui est Philippe Sauvannet ?


Né le 11 janvier 1951 à Vichy, Philippe Robert Sauvannet est un homme au parcours riche. Ancien sous-préfet du Couserans, l’homme a une certaine affinité, une vocation pour le droit. Magistrat honoraire administratif, il fait carrière dans la Haute fonction publique.

Philippe Sauvannet a fait ses études à l’Institut National de Gestion, ministère de la Poste et des Télécommunications, où il obtient un diplôme Bac+ 5 en gestion et administration publique. Il est également titulaire d’une maîtrise en Lettres et Histoire contemporaine.

Philippe Sauvannet commence sa carrière au ministère des PTT en 1978, où il occupe le poste d’inspecteur des services administratifs et commerciaux, à la Direction départementale de la Poste de l’Allier. Il sera ensuite inspecteur principal à la Direction départementale de La Poste du Puy de Dôme. M. Sauvannet continue de gravir les échelons et accède au poste de Directeur du Centre de tri postal départemental de l’Allier à Moulins. Il quitte le ministère des PTT en 1993.

Animé du désir d’évoluer dans la vie administrative, Philippe Sauvannet passe avec succès le recrutement de magistrat administratif organisé par le Conseil d’Etat. Après une formation complémentaire de 6 mois, il est affecté au tribunal administratif de Grenoble où il occupe le poste de premier conseiller dans les chambres traitant de la fiscalité d’Etat et de l’urbanisme. Plus tard, il exercera en tant que magistrat chargé du contrôle des établissements publics universitaires au sein des Chambres régionales des comptes. Le parcours de M. Sauvannet l’amènera à devenir sous-préfet d’arrondissement, recruté par le ministère de l’Intérieur.

En 2008, Philippe Sauvannet est nommé par le président de la République Nicolas Sarkozy Chevalier de la Légion d’honneur, point culminant d’une carrière pour le moins exemplaire. Cette distinction honorifique suprême vient récompenser le parcours exceptionnel de M. Sauvannet et son investissement personnel dans le service public.

En savoir plus sur le parcours de Philippe Sauvannet :

https://www.doyoubuzz.com/philippe-sauvannet

 

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